Congés payés : la Cour de cassation se met en conformité avec le droit européen !
Nouvelle jurisprudence sur les congés payés
Elle garantit ainsi une meilleure effectivité des droits des salariés à leur congé payé :
- les salariés malades ou accidentés auront droit à des congés payés sur leur période d’absence, même si cette absence n’est pas liée à un accident de travail ou à une maladie professionnelle ;
- en cas d’accident du travail, le calcul des droits à congé payé ne sera plus limité à la première année de l’arrêt de travail ;
- la prescription du droit à congé payé ne commence à courir que lorsque l’employeur a mis son salarié en mesure d’exercer celui-ci en temps utile.
Références :
Cass. soc., 13 sept. 2023, n° 22-17340 à 22-17342 ; 22-17638 ; 22-10529, 22-11106
Une salariée avait agi à l’encontre d’un organisme de formation afin d’obtenir la requalification de la relation contractuelle en contrat de travail et le paiement des congés payés. La cour d’appel n’a fait droit à la demande au titre des indemnités compensatrices de congé payé que pour la période de trois ans précédant la saisine de la juridiction prud’homale, considérant que la période antérieure était prescrite.
La solution retenue par la cour d’appel était conforme à la jurisprudence de la Cour de cassation. En effet, cette dernière juge que les congés payés ayant une nature salariale sont soumis à la prescription applicable aux salaires, à savoir, la prescription quinquennale ou triennale, selon qu’elles étaient exigibles avant ou après l’entrée en vigueur de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi. Par ailleurs, le point de départ du délai de prescription était fixé à l'expiration de la période légale ou conventionnelle au cours de laquelle les congés payés auraient pu être pris.
La Cour de justice de l’Union européenne a, dans un arrêt du 22 septembre 2022, dit pour droit : « L’article 7 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, et l’article 31, § 2, de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale en vertu de laquelle le droit au congé annuel payé acquis par un travailleur au titre d’une période de référence est prescrit à l’issue d’un délai de trois ans qui commence à courir à la fin de l’année au cours de laquelle ce droit est né, lorsque l’employeur n’a pas effectivement mis le travailleur en mesure d’exercer ce droit.
La Cour de justice a souligné qu’il ne saurait être admis, sous prétexte de garantir la sécurité juridique, que l’employeur puisse invoquer sa propre défaillance, à savoir avoir omis de mettre le travailleur en mesure d’exercer effectivement son droit au congé annuel payé, pour en tirer bénéfice dans le cadre du recours de ce travailleur au titre de ce même droit, en excipant de la prescription de ce dernier ».
Cette solution a pour objet d’assurer l’effectivité du droit à congé payé annuel qui « constitue un principe essentiel du droit social de l’Union ». Elle s’appuie sur la règle de preuve de l’exécution par l’employeur de ses obligations en la matière.
En effet, il appartient à l'employeur de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d'exercer effectivement son droit à congé, et, en cas de contestation, de justifier qu'il a accompli à cette fin les diligences qui lui incombent légalement.
La Cour de cassation a donc modifié sa jurisprudence pour juger désormais que lorsque l’employeur oppose la fin de non-recevoir tirée de la prescription, le point de départ du délai de prescription de l’indemnité de congé payé doit être fixé à l'expiration de la période légale ou conventionnelle au cours de laquelle les congés payés auraient pu être pris dès lors que l’employeur justifie avoir accompli les diligences qui lui incombent légalement afin d’assurer au salarié la possibilité d’exercer effectivement son droit à congé.