La possible preuve de la faute du salarié par le biais du « client mystère »
La loyauté de la preuve commande l’éviction de toute forme de stratagème clandestin. Il est aujourd’hui jugé en jurisprudence que le droit à la preuve « peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie privée, à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit, et que l’atteinte soit proportionnée au but poursuivi.
Peut-on valablement licencier disciplinairement un salarié en se fondant sur une preuve obtenue au moyen d’un dispositif de contrôle de type «client mystère» ? C’est à cette question du droit de la preuve que l’arrêt rendu le 6 septembre dernier par la chambre sociale de la Cour de cassation apporte des éléments de réponse.
L’information préalable, condition de licéité du dispositif de contrôle de l’employeur
Si l’employeur a le droit de contrôler et de surveiller l’activité de ses salariés pendant le temps de travail, il ne peut mettre en œuvre un dispositif de contrôle qui n’a pas été porté préalablement à leur connaissance, ainsi qu’à celle de leurs représentants.
En l’espèce, les juges du fond avaient bien constaté que le salarié avait été préalablement informé de la mise en œuvre au sein de l’entreprise d’un dispositif dit du « client mystère », permettant l’évaluation professionnelle et le contrôle de l’activité des salariés. Il a donc été retenu que les éléments de preuve apportés par l’employeur étaient licites. L’employeur avait en particulier fourni un compte-rendu de réunion du comité d’entreprise faisant état de la visite de « clients mystères », avec mention du nombre de leurs passages, ainsi qu’une note d’information aux salariés sur ce dispositif portant la mention « pour affichage … », et expliquant tant son fonctionnement que son objectif.
L’article L. 1222-3 du code du travail prévoit que le salarié est expressément informé des méthodes et techniques d’évaluation professionnelles, préalablement à leur mise en œuvre.
Il en a été ainsi jugé par la Cour de cassation en matière de recours à des détectives privés (Soc. 23 nov. 2005, n° 03-41.401 P, Dr. soc. 2006. 227), ou encore dans le cadre de l’usage de la géolocalisation des salariés, et récemment confirmé avec l’usage de la vidéosurveillance (Soc. 10 nov. 2021, n° 20-12.263 P). À cette dernière occasion, les hauts magistrats avaient rappelé que le code du travail dispose que « le comité d’entreprise est informé et consulté, préalablement à la décision de mise en œuvre dans l’entreprise, sur les moyens ou les techniques permettant un contrôle de l’activité des salariés », hypothèse désormais prévue et reprise pour le Comité social et économique (CSE) à l’article L. 2312-37.
Ils avaient en outre souligné que l’illicéité d’un moyen de preuve n’entraîne pas nécessairement son rejet des débats, le juge devant apprécier si l’utilisation de cette preuve a porté atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit au respect de la vie personnelle du salarié et le droit à la preuve, lequel peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie personnelle d’un salarié, à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit, et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.
Cette décision confère à l’employeur une certaine latitude, afin de pouvoir mettre en exergue des manquements dans la relation de travail, parfois difficile à établir. Elle permet, en effet, à l’employeur, de faire jouer l’aléa du contrôle, puisqu’il n’est pas exigé que le salarié sache précisément quand il va faire l’objet d’un contrôle, mais seulement qu’il est susceptible d’en subir un.
On peut s’interroger sur la pertinence de l’emploi de ce genre de stratagème sur la qualité relationnelle entre employeur et salariés, qui forcément, détériore le climat de confiance, rendant la décision impopulaire et socialement inappropriée.